Les 5 etapes par lesquelles passe une sauveuse avant de guérir

Le comportement de sauveur/se, scientifiquement appelé « syndrome de sauveur/se », est un phénomène assez  courant. Souvent, on ne se rend pas compte de côtoyer un/e sauveur/se et encore moins quand il s’agit de nous-mêmes. Dans cet article je souhaite apporter  une analyse du parcours d’une sauveuse (le mien, en l’occurrence) au cours de plusieurs années. Cette analyse n’a aucun but scientifique, il est basé sur mon propre vécu et mon expérience ainsi que sur mes observations des vies des autres sauveuses et sauveurs. Je vais utiliser le terme « sauveuse » dans la suite de l’article puisque que c’est ma propre perspective que j’expose.

Commençons par comprendre ce que c’est d’être sauveuse. Etre sauveuse c’est de vouloir à tout prix sauver les autres. C’est-à-dire, les aider, trouver des solutions, résoudre leurs problèmes, donner des conseils, les soigner et les réparer. Même si on ne lui demande pas de faire tout cela.

Qu’est-ce qui se cache derrière un tel comportement ? Il faut savoir qu’il n’y a rien de noble dans le fait d’être sauveuse. Il n’y a pas de vrai sacrifice de soi là-dedans non plus.  C’est une pathologie comparable à une addiction selon des psychanalystes. Comme celle à l’alcool ou à la drogue. Une addiction issue d’un passé dans un entourage déséquilibré ou par calque du comportement des parents. Parfois cela se transmet à travers plusieurs générations. En « sauvant » l’autre, on veut se sentir indispensable et/ou réparer quelque chose que l’on n’a pas pu étant enfant, comme le divorce des parents par exemple. Dans des familles déséquilibrées un enfant devient souvent très tôt mature en se sentant responsable de réparer et sauver la famille, puisque les parents ne remplissent pas leur rôle d’adulte. C’est à ce moment que l’on devient sauveuse.

Alors pourquoi le comportement de sauveuse est-il considéré comme  une addiction ? Naturellement, la sauveuse est attirée vers des personnes « à problèmes » qui ne veulent pas aller mieux mais préfèrent se trouver dans un état de victime ou, éventuellement, de bourreau en formant ainsi une relation de co-dépendance avec la sauveuse qui a besoin de se sentir indispensable. Elle a besoin de reconnaissance. C’est une transaction entre deux personnes avec leur besoins/attentes respectives. Si on observe une relation pareille plus longtemps, on constate que la personne censée être sauvée ne change pas ou pas pour longtemps. Et c’est normal, elle ne veut pas être sauvée pour de vrai. Par contre la sauveuse finit dans un état de frustration puisque ses efforts n’ont servi à rien, et que consciemment elle croit vraiment, qu’elle veut aider l’autre, sans se rendre compte, que d’une manière inconsciente elle aurait préférée continuer de s’occuper d’une personne « à problèmes » dans le but de se sentir indispensable.

Mais il arrive parfois qu’une des deux personnes, la sauveuse ou la sauvée, change vraiment. Cela peut arriver suite à une grosse prise de conscience ou un choc fort dans la vie. Généralement, quand une des deux personnes change, leur relation ne dure pas puisque l’autre n’a rien demandé. Elle avait conclu un pacte d’une relation de co-dépendance. Ce changement cause donc un disfonctionnement dans la relation. Néanmoins, avec la patience et beaucoup de travail, avec un accord commun, une adaptation aux changements, il est possible de sauver la relation. Ici, je parle surtout d’une relation de couple, quand les deux partenaires font des efforts afin d’amener leur relation à un autre niveau.

Le travail de changement demande de vrais efforts. Ramenons notre focus sur la sauveuse. Il est vitale pour elle de ne pas « rechuter » une fois qu’elle s’est soignée de son addiction. Oui, exactement comme avec l’alcool et les drogues. C’est donc souvent un travail sur plusieurs années avant de réellement arrêter d’être sauveuse et se débarrasser des mauvais réflexes. C’est tout un chemin de prises de consciences et de guérison. J’ai pu constater plusieurs grands stades d’évolution communes aux parcours de la plupart des sauveuses. Aujourd’hui je peux rigoler de moi, après tout ce chemin parcouru. Je vous apporte donc la version un peu comique des réflexions d’une sauveuse le long de son cheminement. Voici comment ça se passe étape par étape.

1. Etat : Je veux sauver le monde. « Je suis une bonne personne puisque je suis toujours là pour les autres. Des gens viennent souvent me voir pour raconter leurs problèmes, partager leurs malheurs, ils se sentent soulagés. Je fais tout pour résoudre leurs soucis même si on ne me le demande pas. Puisque c’est ce que font les bonnes personnes. Je suis la personne de confiance. Je me mets en couple seulement avec quelqu’un qui a besoin de moi. Quelqu’un que je peux sauver de sa détresse. »

2. Prise de conscience : Le monde ne veut pas être sauvé. « Ils sont tous là pour se plaindre uniquement ! Mais je fais des efforts pour eux moi… Les solutions que j’apporte ne servent à rien vu qu’ils ne les utilisent même pas. Ils veulent rester dans leurs rôles de victimes et m’utiliser comme une poubelle émotionnelle ou une source d’énergie ! Ça commence à être assez. »

3. Contreréaction : J’arrête d’être gentille. « Ça me fatigue, autant d’efforts et aucun résultat de leur part, aucune reconnaissance ! Je ne les aiderai plus. Voilà ! Comme ça ils sauront comment c’est sans moi ! Plus envie d’écouter leurs problèmes.  Au fait, je n’aime plus les gens. Les gens me saoulent ! Désormais je les fuis, et qu’on me laisse tranquille. »

4. Remise en question : Je suis une personne horrible. « Héhé, ils y sont toujours à se plaindre. Et moi, je suis tranquille, ça ne me touche même pas. Ce ne sont pas mes problèmes. Oh mince… Je suis devenue une vraie sa**pe ! Oh, qu’est qui s’est passé ? Je suis vraiment méchante. Est-ce la rancune qui avait parlé en moi ? J’en voulais à tous ces gens pour le manque de reconnaissance alors que c’est moi qui avais choisi d’être sauveuse avant tout. Je me retrouve isolée du monde et cela ne me va peut-être plus… »

5. Nouvel élan : Je veux aider en étant moi-même. « Hmmm… Comment est-ce que je reconnecte avec le monde sans rentrer dans ces relations malsaines ? Comment faire pour trouver l’équilibre ? Comment aider sans souffrir ? Comment ne pas aider sans être méchante ? Comment s’estimer suffisamment pour ne pas attendre la reconnaissance comme la monnaie de ma valeur ? Oh, c’est vrai, je dois me respecter avant tout.  Je dois respecter mes propres limites. Et non, je ne suis pas une sa**pe, j’étais juste égarée… Oui, j’ai suffisamment de valeur intérieure pour ne pas en chercher des confirmations extérieures. Tiens, intéressant…mon entourage change, je rencontre des gens formidables. Ils n’ont pas besoin d’être sauvés en permanence. Et ils sont où, ceux qui passaient leur temps à se plaindre ? »

Et oui, une fois nous que changeons de comportement, le monde autour s’adapte. Un gros travail d’estime de soi doit être fait dans le processus de guérison d’une sauveuse. Il est également important de se tenir à certaines règles comme aider et donner des conseils uniquement si on le demande. Et surtout se retenir à ne pas sauver à chaque occasion qui se présente. Ce processus peut être très long mais aussi très rapide comme chacune de ces  étapes.

En conclusion, j’aimerai repréciser que l’article est basé sur ma propre expérience, l’observation des autres et quelques études de psychanalyse, ce qui m’a permis de comprendre le fonctionnement d’une sauveuse et vous présenter ce chemin de son évolution vers la guérison. J’espère que ce texte vous a été utile et que certain/es se sont reconnu/es dedans en le prenant avec humour.

Affectueusement,

AlinA  

image credit:pinterest.com

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2 thoughts on “Les 5 etapes par lesquelles passe une sauveuse avant de guérir

  1. Merci Alina pour ton partage.
    Connaissant le triangle de Karpman, j’avoue être vigilante à ne pas tomber dans la posture de sauveuse: qui donne des solutions, conseils, fait les choses à la place de l’autre.
    Or j’ai remarqué que je pourrai être sauveuse, ne fusse qu’en prêtant ma présence et écoute à l’autre qui souffre; surtout si cet autre reste dans sa posture d’impuissant

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